14è congrès des actuaires
« Mieux appréhender les enjeux du digital », c’est en ces termes que Thomas Béhar, président de l’Institut des actuaires, a ouvert le congrès, le 15 juin dernier.
L’irruption du numérique dans tous les domaines économiques, et tout particulièrement dans la finance, a fait l’objet de nombreuses communications et échanges tout au long de la journée.
Un enjeu clé pour le monde de la finance
Intitulée « Le digital, évolution ou révolution pour le monde de la finance ? », la première table ronde a permis d’entrer dans le vif du sujet. « Le digital bouleverse nos vies », a prévenu André Renaudin, actuaire certifié IA, directeur général d’AG2R La Mondiale. « L’homme ne consulte plus l’annuaire, mais va sur Internet. Il achète, réserve des services ou communique également via la Toile. La France compte désormais 50 millions d’internautes et le chiffre d’affaires des ventes en ligne a été multiplié par dix depuis 2005, pour atteindre 350 milliards d’euros. » Et de rappeler : « 86 % de nos concitoyens ont un ordinateur, 50 % un smartphone et 30 % une tablette. Chacun passe désormais cinq heures par jour sur Internet ».
Cette nouvelle donne génère donc une nouvelle offre, ainsi que des modèles de distribution, des services aux clients, des modes de relation clientèle. Parallèlement, l’apparition des objets connectés et des données massives permet aussi de responsabiliser les clients. « La clé du succès réside ainsi dans la maîtrise des données et du Big Data. Pour savoir les exploiter, des compétences spécifiques sont nécessaires, ce qui a un coût », a souligné André Renaudin.
Thierry Martel, actuaire certifié IA, directeur général de Groupama, a évoqué six points impactés par le digital : la segmentation de la tarification ; une approche commerciale plus proactive ; le développement de la prévention via les objets connectés ; la captation de l’information ; la proactivité dans les sinistres ; et, enfin, la nécessaire évolution des organisations.
La profonde transformation de la relation client est au cœur du sujet. La distance n’annule pas, au contraire, le besoin de conseil et de réactivité, a rappelé Jean-Yves Forel, directeur général en charge de la Banque commerciale et de l’Assurance et membre du directoire Groupe BPCE : « Si les clients aiment la simplicité, ils sont de plus en plus sensibles aux notions de confiance et de sécurité. Il est ainsi essentiel d’être perçu comme un tiers de confiance », a-t-il souligné. De ce fait, « le digital transforme toutes nos entreprises, et notamment nos entreprises de services, et oblige nos organisations à une remise à plat. »
Enfin, les orateurs ont échangé sur l’impact du digital sur la nature des emplois : nécessité de modifier les entreprises et les organisations, de s’adapter aux outils et aux nouveaux profils de poste pour répondre à l’évolution des demandes des clients, de transformer les mentalités… Non sans pertinence, André Renaudin a toutefois noté que « la question de la transformation du travail agitait déjà les acteurs sociaux du temps des canuts lyonnais »…Le métier d’actuaire de plus en plus tourné vers les données
« Pour les actuaires, il faut apprendre un nouveau métier, dans le sens où il faut apprendre à coder », a prévenu Guillaume Gorge, actuaire certifié IA, directeur de la ligne métier Particulier IARD au sein du groupe Axa. « Les enjeux informatiques, en particulier de code, sont redevenus essentiels en assurance et les entreprises qui compteront les meilleurs codeurs disposeront, à mon sens, d’un avantage compétitif. »
Stéphane Camon, actuaire associé IA, directeur général du GIE Afer, a lui aussi insisté:« Le métier d’actuaire est en perpétuelle évolution. Il faut désormais capter des données, leur donner du sens et bien les utiliser pour répondre aux besoins du client et aux enjeux des tarifs. Nos équipes ont ainsi été regroupées pour disposer d’une meilleure force de frappe. Le digital fera également évoluer le métier de l’actuariat produits, avec des produits plus simples, un raisonnement par écosystème et une tarification plus segmentante. »
La dimension éthique de ces évolutions a été abordée par Stéphane Grégoire, chef du service des affaires économiques de la Cnil. Il a précisé que « chaque entreprise devra compter un délégué à la protection des« Se recentrer sur le client »
« La révolution du digital nous oblige à nous recentrer véritablement sur le client. » Telle est la conclusion apportée par Jacques Richier, président-directeur général d’Allianz France, aux débats qui ont animé le congrès. « Avec l’arrivée de Solvabilité II, vous serez encore plus visibles. Avec l’arrivée des nouveaux clients, vous devriez être encore plus reconnus, a-t-il poursuivi. Dans vos fonctions, vous serez totalement intégrés à la chaîne de décision de l’entreprise. » Les actuaires devront notamment « intégrer les données comportementales », considérant que les données sont la vraie valeur de l’entreprise, et « traiter le risque de démutualisation du tarif » en étant « au centre de la redéfinition de l’offre et du prix ». En jeu, « la solidité de l’assureur, mais aussi la capacité de nous adapter et de proposer les offres et solutions du xxie siècle ».
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Orange : le regard d’un grand groupe sur les risques
Dans le cadre de l’ouverture du congrès aux autres secteurs industriels, le groupe Orange était représenté par son numéro 2, Gervais Pellissier, directeur général délégué et directeur exécutif Europe. Il a exposé à la salle l’organisation et les principes du groupe en matière de gestion des risques, qui se caractérisent chez Orange par leur grande diversité : risques
techniques, géographiques, risques de fraude, corruption, cyber risques, risques psychosociaux… « Nous orientons actuellement nos travaux sur la mise en perspective des filières de contrôle des risques et d’audit, dans une approche intégrée, afin de renforcer notre capacité à éclairer nos solutions », a exposé Gervais Pellissier. Pour gérer ces risques, Orange a adopté le modèle des trois lignes de maîtrise des risques : l’opérationnel, les fonctions de support central et l’audit indépendant. Enfin, « nos actions en matière de gestion des risques visent in fine à conserver la confiance de nos clients, dont nous transportons des informations essentielles ». Sur ce point, Orange a « interdit tout opt-out, à savoir de devoir agir volontairement pour que ces données ne soient pas utilisées ».